Chibasystem. Bien que le principe même de ce procédé fut étudié il y a fort longtemps, ce nom nous vient d'un article publié en 2007 par Halvor Bjoerngaard, diplomé de l'école de science et technologie de l'université de Chiba au Japon.
Cet article vise à étudier la production de tirages photographiques pigmentaires au moyen de sels de fer, et ceci sans emploi de dichromate de potassium, substance sensibilisatrice très toxique vouée à l'interdiction à l'horizon 2016, communément employée dans les procédés de tirages au charbon ou à la gomme bichromatée.
Le texte intégral de cet article en anglais est téléchargeable ici, je vous conseille vivement d'en télécharger une copie.
Dans cet article, Halvor Bjoerngaard traite le cas du procédé au charbon transfert, puis les procédés à la gomme et au charbon direct. Nous traiterons ici uniquement du procédé au charbon direct, procédé le plus simple à mettre en oeuvre (cf page 52 et suivantes du pdf).
Si vous envisagez de réaliser plusieurs couches (et ceci sera quasiment toujours le cas avec ce procédé), il vous faudra faire préalablement tremper votre papier dans un bain d'eau très chaude pendant au moins 30mn afin d'éviter que le papier se détende trop dans les bains ultérieurs et ne provoque des décalages entre les couches.
Il faudra ensuite encoller le papier afin que les pigments ne pénètrent pas dans les fibres et ne salissent les zones blanches. L'article original recommande d'étendre une solution de gélatine pure entre chaque couche pigmentée, cette couche empêchera les pigments de pénétrer mais sera ensuite dissoute dans l'eau chaude. Personnellement, j'étends uniquement au départ une ou deux couches de liant acrylique (Caparol Binder par exemple) dilué à 1:5 et ensuite mes couches pigmentées. Je pense que l'on peut aussi commencer par une couche de gélatine tannée au formol mais étant donné que l'approche de ce procédé se veut être non toxique, je me refuse à employer du formol.
On prépare d'abord une solution de gélatine à 4%, on pèse donc 4g de gélatine auquel on ajoute de l'eau distillée pour arriver à 100g. On ajoute ensuite la moitié du poids de la gélatine en citrate de fer ammoniacal, soit ici 2g. Enfin on ajoute le(s) pigment(s), il est difficile de donner un poids précis, cela dépend des pigments et de la teinte que vous souhaitez. Si vous utilisez du pigment pur, vous pouvez commencer par 1g pour les 100g de la solution de départ, si vous utilisez de l'aquarelle, vous pouvez démarrer par 6 à 8g pour les 100g de départ.
On laisse ensuite reposer la solution une heure ou deux afin que la gélatine gonfle.
J'ai donné ici des proportions pour 100g mais 10g de solution de départ suffiront pour l'étendage d'une feuille A4, je vous laisse faire les conversions à votre convenance.
C'est l'étape la plus déterminante pour la qualité de la couche. Les deux problèmes majeurs de cette étape sont la régularité et la finesse de la couche et les traces de pinceau.
Il faut tout d'abord faire chauffer la solution (au bain-marie ou sur une plaque chauffante) jusqu'à environ 40°C pour faire fondre la gélatine. On étend ensuite la solution sur la feuille avec un premier pinceau mousse en partant du centre vers les bords. On passe ensuite un second pinceau mousse propre pour "pomper" le surplus de solution et bien l'étaler, la couche doit être la plus fine possible. On finit avec un pinceau plat à poils doux pour lisser, de manière très légère.
Malgré tout le soin apporté à cette étape, il est quasiment impossible d'obtenir une couche régulière sans trace, mais la superposition des couches va gommer ces irrégularités. La pratique ne fera qu'améliorer la qualité de votre technique d'étendage.
Si votre labo n'est pas chauffé en hiver, il peut être utile de réaliser l'étendage en déposant la feuille sur une plaque chauffante afin d'éviter que la gélatine ne se fige trop rapidement. J'utilise un chauffe-plat en intercalant un carton entre la plaque et la feuille.
La solution n'étant sensible qu'aux UV, vous pouvez effectuer les étapes précédentes en pleine lumière artificielle, incandescente ou halogène.
Lorsque la feuille enduite est bien sèche (ce qui est très rapide vue la finesse de la couche), placez là dans un chassis-presse avec votre négatif par dessus. Ce procédé est un procédé par contact, ce qui signifie que votre négatif devra être à la taille du tirage final désiré. Il pourra s'agir d'un classique négatif argentique grand format ou bien d'un négatif numérique jet d'encre, mais dans tous les cas votre négatif devra être le plus doux possible (très peu contrasté).
Le temps d'insolation dépend des caractéristiques de votre insoleuse mais il est plutôt très rapide (20 à 40s dans mon insoleuse maison à environ 15cm des 8 tubes UV) et donc assez pointu à maîtriser.
Il ne s'agit pas réellement d'un développement mais plutôt de la polymérisation de la gélatine qui a été exposée aux UV qui sera donc tannée et résistante à l'eau chaude lors de l'étape suivante du dépouillement.
Pour ce faire, vous aurez préparé dans une cuvette photo un volume suffisant d'une solution à 1% d'eau oxygénée (20ml d'eau oxygénée pour 2l d'eau dans une cuvette 24x30cm par exemple). Vous introduisez ensuite délicatement votre feuille dans la solution (comme vous le feriez pour un tirage photo classique) et attendez environ 5 secondes, en vous assurant que la feuille reste bien totalement immergée. Vous retirez ensuite la feuille et sans trop l'égoutter vous la plongez dans une cuvette d'eau chaude (entre 40 et 45°C). Après quelques secondes d'agitation, vous devriez voir la gélatine qui n'a pas été exposée commencer à fondre. Avec un pinceau vous pouvez alors aider délicatement au dépouillement de l'image. Après une ou deux minutes, votre dépouillement est terminé, vous ne pourrez pas "forcer" des parties qui auront été trop exposées.
Vous avez terminé votre première couche, il ne vous reste plus qu'à laisser sécher tout à fait complètement votre tirage avant de répéter les mêmes opérations pour la couche suivante, vous pouvez varier la concentration des pigments et/ou le temps d'exposition afin de construire votre image.
Comme l'indique le titre de ce petit article, ceci n'est qu'une introduction à ce procédé; obtenir une image est très simple mais obtenir un bon tirage est plutôt difficile... Le nombre de variables entrant en jeu étant très important, vous devrez passer par une longue période de tests et d'échecs pour progresser mais c'est à ce prix que vous pourrez vous affranchir de l'emploi du dichromate de potassium et réaliser des tirages pigmentaires dans un environnement non toxique.
Tous les produits nécessaires se trouvent sur la boutique Disactis, et je profite de la publication de cet article pour remercier Lionel Turban pour le travail qu'il accomplit ici.
Si des parties de cet article ne vous semblent pas suffisamment claires ou si vous avez des questions en cours d'expérimentation, vous pouvez poster sur le forum et j'essaierai de vous répondre dans la mesure de mes connaissances, mais j'espère bien que nous serons bientôt nombreux à pouvoir partager notre savoir sur le sujet !
Didier Derien, janvier 2014.